Sur la décharge; Roumanie


Dans son travail « Sur la décharge ; Roumanie» Jordis Antonia Schlösser décrit les
conditions de vie de 400 Roma habitant sur la décharge de Cluj (Clausenbourg).

Le travail photographique de Jordis Schlösser pose la question de l'ambiguïté dégagée par la photographie documentaire: Comment des images représentant des conditions de vie aussi désolantes peuvent-elles refléter tant de beauté et de fascination? Le cadrage et la composition, de même que le motif choisi devraient être analysés dans ce contexte. Ce langage esthétique ne falsifie-t-il pas la réalité afin de transformer ces images photographiques en de véritables œuvres d'art. On peut s'interroger sur l'efficacité de telles photographies réussissant à consterner le spectateur.

Faire des photographies inoubliables tout en revendiquant une position critique par rapport aux circonstances représentées est un défi technique, artistique et éthique pour tout photographe. Cependant l'histoire de la photographie avec ses personnalités telle que Dorothea Lange et bien d'autres, nous a appris que la mission est bien justifiée.

Dans la série « Sur la décharge » il est peu probable que la beauté sache cacher la désolation et le tragique. Bien au contraire, la force d'expression des photos de Jordis Schlösser résulte primordialement du fait de réunir dans une même image deux aspects aussi puissants qu'opposés; d'un côté la dimension esthétique et de l'autre la démarche critique. C'est en fait la beauté inhérente aux images qui met en évidence la gravité de la situation des 400 personnes vivant sur la décharge de Clausenbourg.

Cette série de photographies en noir et blanc suscite une réaction captivante et équivoque auprès du contemplateur : l'étonnement et la fascination précèdent la consternation. Les photographies montrent des êtres humains dans des circonstances extraordinaires, inconcevables pour tout spectateur vivant ailleurs. Cependant, les images semblent respecter un engagement envers ceux qu'elles représentent, c'est-à-dire les gens vivant sur la décharge. Les clichés pris dans cet environnement désolant, abject et toxique montrent des personnages d'une grande individualité qui conservent toute leur fierté. Quelle est cette force qui permet à l'homme de confronter ce qui lui arrive ? Cette puissance ne peut être traduite par des mots, elle se reflète pourtant dans la beauté et l'expression des images de Jordis Schlösser.

Les circonstances de vie décrites sur les photos, nous apparaissent irréelles, l'étrange consternation qui s'en dégage est des plus réelles.

Le côte à côte de la misère et de la beauté reflète l'existence humaine dans toutes ses dimensions, avec ses fascinations aussi spectaculaires qu'irraisonnables.

Jordis Antonia Schlösser, née à Göttingen en 1967, vit et travaille à Paris et à Berlin. En 1998 elle a été sélectionnée pour la « World Press Joop Swart Masterclass » organisée par la « World Press Photo Foundation ». C'est dans ce contexte qu'elle a réalisé la série « Sur la décharge ; Roumanie ».

Jordis Antonia Schlösser est représentée par « OSTKREUZ - Agentur der Fotografen » à Berlin, dont elle est membre depuis 1997.